A glitch in the matrix…

Au bout de la nuit, son regard devenait de plus en plus fatigué : Le sommeil, ce remède naturel gratuit qui guérit le corps et l’âme, Elle avait choisi de s’en passer cette nuit.

 
Sa force intérieure et sa capacité d’adaptation ont permis à son âme curieuse de rester éveillée pour écouter ce qui lui semblait être une rhétorique  agréable.

 
Lui, c’était tout le contraire, porté par un élan d’enthousiasme, il voyait son énergie se  décupler au fils des heures. Un sourire furtif et un regard bienveillant étaient suffisants pour le propulser au-delà des lois du jour et de la nuit. 
 

Par cette nuit londonienne calme et éclairée, le « earl grey tea » ajouta à la magie du moment. Les tasses de thé semblaient  apprécier ce voyage intemporel et continuaient d’offrir un peu de chaleur et d’arôme tels des acolytes dans un lieu sacré.

Le plus amusant dans ce genre de rencontres intemporelles est l’absence d’institution. Ce fardeau qui veut que chaque chose doive être planifiée, préparée, orientée …et finalement maîtrisée et confinée. L’absence de l’institution est une invitation à aller n’importe où. C’est cet endroit appelé « n’importe où » qui recèle les plus beaux secrets. Les Anglais appellent cet endroit « Neverland ». 
 

Son regard fatigué dissimulait un sentiment encore plus subtil : La crainte. Plus le temps passait plus la beauté de ses yeux se laissait envahir par des tourbillons de crainte qui l’empêchait d’avancer vers ce Neverland.

Lui, son GPS de cœur se déréglait, il sent, il voit, le carburant qui le propulse s’amoindrir…Il savait que cette crainte dans ses yeux les freinait. Mais seuls les mots sincères peuvent apaiser une âme sensible. 
 

Il lui versa un autre verre, la bergamote semblait vouloir venir à son aide…Au meilleur des moments…Son odeur envahit l’espace. Il lui dit : 

« Ma chère, 
Parfois, on a l’impression que l’arbitraire fait la loi, mais souvent des indices nous montrent que le monde est beaucoup plus proche d’une simulation well designed que d’un jeu de hasard. 

Ton intérêt grandissant pour l’anglais / moi en Angleterre. Ton intérêt pour la langue arabe, mon amour pour l’arabe et la poésie. 

Nos lignes, bien qu’elles soient condamnées à ne jamais se croiser, semblent destinées à être parallèles et perpétuellement proches.

Cette rencontre est d’ailleurs probablement : « A glitch in the matrix » !

..Ultimately, bien que nos projets de vies semblent si différents, la matrice semble vouloir à chaque fois nous donner cette illusion nourrissante d’existence parallèle. 

Je représente dans ton univers probablement le côté simple, authentique et nostalgique. À chaque fois que le monde corporate t’absorbe, avec ta qualité d’adaptation qui peut aussi être damaging pour toi, le fait de penser à moi te ramènera ce dont tu as besoin : Un repère de qui tu es et d’où tu viens, il te confortera dans l’idée que le monde moins fake et plus authentique existe. Et c’est rassurant, c’est même important pour toi.
Dans tes yeux, le corporate ne peut te combler et au fond de toi un vide ne saura être comblé que par le purpose, le meaningful life. 

..De mon côté, mon besoin ultime et de savoir que l’amour naissant existe, que l’extraordinaire peut se produire, que la folie est de ce monde. La matrice te met alors sur mon chemin pour qu’à chaque fois que la vie me draine en rappelant son aspect machinal, son côté institutionnel bien implémenté, je pense à toi et un univers parallèle s’ouvre à moi. Bien  qu’illusoire,  il  me permet de continuer à vivre dans un monde où j’imagine un idéal fantastique. Cela m’alimente en amour et en passion qui jaillît finalement sur mon entourage.

Autrement, je suis asséché, proche de la pétrification.. 

London a ce pouvoir sur nous, contrairement à Paris ou l’amour est une histoire d’amants, à London, l’amour prend des allures d’amitié enchantée. Probablement que le climat londonien a finit par nous imposer le pragmatisme d’apprécier les quelques brefs moments ensoleillés. On les vit plus intensément et la solidarité amicale londonienne surplombe finalement l’individualisme de l’amant parisien »

Après un long moment de silence, elle esquissa un sourire à la fois beau et mystérieux. Un mélange entre reconnaissance et retenue. 

Il s’est ensuivi un silence…et un froid…qui a rendu à la matrice son pouvoir, à l’institution son autorité, aux amis londoniens, le poids de la vie. Le thé désormais froid ne peut les sauver. La banalité a repris le dessus et l’aube a vaincu la nuit. 
 

Cet horizon rouge jaunâtre vient rappeler  à ces deux huppes égarées qu’ils doivent aller retrouver leurs volées. Épuisés, mais à tout jamais transformés.